de RANULF » Sam Mai 08, 2010 8:32 pm
Ci-joint quelques informations sur la logistique des armées de Philippe II. Afin de ne pas attrister les coalisés j’ai joint quelques informations sur la logistique de Richard lors de la marche entre Acre et Jaffa : le moins que l’on puisse dire c’est qu’il devait y avoir de l’organisation et de la discipline pour arriver à de tels résultats (perso j’en suis convaincu). A noter qu’une partie de l’armée de Philippe accompagne Richard lors de cette marche.
La logistique est déjà considérée comme importante en ce début de XIIIème siècle. Comme déjà évoquée, la prisée nous indique le nombre de charrettes (avec leur équipage) à fournir en fonction du nombre de sergents. Une charrette coûte 3 sous par jour soit 13 livres 10 sous pour 3 mois. Mais en règle générale, elles sont souvent renvoyées après avoir transporté le matériel. En 1202 sur un budget prévisionnel de 2.288 livres pour 170 charrettes, seules 51 livres et 6 sous ont effectivement été utilisés à cette fin…
D’après la prisée, il semble que l’on compte une charrette pour 50 sergents, les plus grosses sont tirées par quatre chevaux. Lorsque l’armée est en marche, les troupes les moins aguerries, les chariots et les bêtes de sommes sont placés au milieu de la colonne. Lorsque l’armée veut passer rapidement d’un ordre de marche à un ordre de bataille, les fantassins marchent en tête (comme les coalisés à Bouvines).
Les officiers royaux, prévôts, baillis, châtelains s’occupent de l’approvisionnement en vivres et en fourrage. Ainsi les comptes de Gaillefontaine spécifient que 60 porcs salés sont mis à disposition des troupes de Cadoc. Des viandiers (victarii) sont chargés de vendre la nourriture aux troupes qui la paient sur leur solde. A priori les soldes sont indexées sur le coût de la nourriture ce qui explique en partie leurs fluctuations : l’achat de vivres en masse pour une expédition ayant la fâcheuse tendance à faire monter les prix. Les vivres sont stockés dans les places fortes ou dans les villes au même titre que les armes et les munitions.
Les comptes des garnisons démontrent la présence de sapeurs (minaii) payés 18 deniers par jour (d’après les comptes de Lyons-la-Forêt). La présence de pionniers (pionarii), de maçons (macones) et d’ouvriers (fabri) payés 15 deniers par jour est également attestée ainsi que celle d’ingénieurs pour les encadrer. Ces équipes sont à même d’assurer l’entretien ou la prise de places fortes… C’est probablement elles qui élargissent le pont de Bouvines pour y permettre le passage des chariots à quatre chevaux et de douze hommes de front, qui réalisent sur la Seine un pont de bateau défendus par 2 tours d’assaut flottantes devant château Gaillard, qui sapent les murailles et construisent les chats châteaux, les tours d’assauts… Les ingénieurs et ces équipes sont capables de mettre en œuvre les mangonneaux et autres redoutables machines de guerre qui sont le plus souvent transportées et assemblées sur place à l’inverse des tours d’assauts, des béliers et autres petites machines de guerre : les poutres des maisons environnantes fournissent souvent un stock de bois à cet effet…
Le maréchal de France Henri Clément s’occupe de l’approvisionnement en chevaux. En 1202-1203 cette dépense s’élève à 1.800 livres ! Cette somme couvre aussi le dédommagement des hommes ayant perdu leurs chevaux lors des combats. Ainsi dans cette période le prévôt de Vernon distribue aux chevaliers des sommes considérables (perdira) suite à la perte de leurs chevaux.
L’idée de soigner les blessés n’est pas nouvelle. Déjà en 1124, Louis VI Le Gros, en guerre contre Henri V, donne l’ordre en cas de bataille de placer les chariots en rond avec un stock de vin, d’eau et de bandages pour les blessés. A Bouvines en 1214, Guillaume Le Breton précise que les blessés sont soignés au camp : malheureusement sans plus de précisions. En 1191, durant la troisième croisade, Richard Cœur de Lion donne l’ordre de placer un chariot au milieu de l’armée avec son étendard comme point de ralliement pour les blessés.
Et maintenant un point particulier mais qui me semble intéressant. Toujours durant la troisième croisade, la flotte qui accompagne Richard Cœur de Lion le long de la route côtière embarque des vivres pour 10 jours (pain, vin, viande, biscuits et farine). Une seconde flotte circule en permanence entre Acre et l’armée afin d’assurer l’approvisionnement. La flotte qui appuie ses troupes dans la marche entre Acre et Jaffa rembarque les malades et les blessés lorsqu’elle accoste pour apporter vivres et renforts. Elle réalise encore cette opération la veille de la bataille d’Arsouf. Afin de ne pas ralentir son armée, tout le personnel féminin est expulsé, seul quelques lavandières assez robustes pour ne pas ralentir la marche sont autorisées à rester, elles sont choisies de manière à n’être pas une occasion de désordre… Leur mission : laver le linge des soldats… Richard donne l’ordre à ses hommes de ne garder que le strict minimum, le reste étant embarqué sur les bateaux. Au bout de deux étapes le jeune roi prescrit une révision des bagages, en effet bien que le nombre de bêtes de somme considérées comme des cibles trop faciles est limité au maximum les hommes ont du mal à alléger leurs « paquetages ». A tour de rôle ils sont chargés de remplacer les bêtes de somme (Beha-ed-Din). A noter que des machines de guerre sont embarquées afin de parer à toutes éventualités. Je ne m’étendrai pas ici sur la stratégie de cette marche, c’est passionnant et décoiffant, mais un peu hors sujet !!
« Essai sur l’armée royale au temps de Philippe Auguste » de Edouard Audouin éditions Edouard Champion 1913
« Philippe Auguste » de John Baldwin éditions Fayard 1998
« La Philippide » (l’épopée de Philippe Auguste) de Guillaume Le Breton éditions Paléo l’encyclopédie Médiévale 2004
« La tactique au XIIIème siècle » tome 1 par Henri Delpech édition Alphonse Picard 1886