Vie de Philippe Auguste

Extrait de « Vie de Philippe Auguste » de Guillaume le Breton (Texte complet).
Traduit du Latin par François Guizot.
Voir également la traduction de Andrée Duby dans "Le dimanche de Bouvines" de Georges Duby

L’an de l’Incarnation du Seigneur 1214, pendant que le roi Jean exerçait ses fureurs dans le pays de l’Anjou, ainsi qu’il a été rapporté plus haut, l’empereur Othon, gagné par argent au parti du roi Jean, rassembla une armée dans le comté de Hainaut, dans un village appelé Valenciennes, dans le territoire du comte Ferrand. Le roi Jean envoya avec lui, à ses frais, le comte de Boulogne, le comte de Salisbury, Ferrand lui-même, le duc de Limbourg, le duc de Brabant, dont ledit Othon avait épousé la fille, et beaucoup d’autres grands et comtes d’Allemagne, de Hainaut, de Brabant et de Flandre. Dans le même temps, le roi Philippe, quoique son fils eût avec lui dans le Poitou la plus grande partie de ses troupes, rassembla une armée, se mit en marche, le lendemain de la fête de sainte Marie-Madeleine, d’un château appelé Péronne, entra de vive force sur le territoire de Ferrand, le traversa en le dévastant à droite et à gauche par des incendies et des ravages, et s’avança ainsi jusqu’à la ville de Tournai, que les Flamands avaient, l’année précédente, prise par fourberie et considérablement endommagée. Mais le roi, y ayant envoyé une armée avec frère Garin et le comte de Saint-Pol, l’avait promptement recouvrée. Othon vint avec son armée vers un château appelé Mortain (ou Mortagne) éloigné de six milles de Tournai, et qui, après que cette ville eut été recouvré, avait été pris d’assaut et détruit par ladite armée du roi. Le samedi après la fête de saint Jacques, apôtre et martyr du Christ, le roi proposa de les attaquer ; mais les barons l’en dissuadèrent, car ils n’avaient d’autre route pour arriver vers eux qu’un passage étroit et difficile. Ils changèrent donc de dessein, et résolurent de retourner sur leurs pas et d’envahir les frontières du Hainaut par un chemin plus uni, et de ravager entièrement cette terre.

Le lendemain donc, c’est-à-dire le 27 juillet, le roi quitta Tournai pour se diriger vers un château appelé Lille, où il se proposait de prendre du repos avec son armée pendant cette nuit-là. Le même matin, Othon s’éloigna avec son armée de Mortain. Le roi ne savait pas, et ne pouvait croire qu’ils vinssent derrière lui. C’est pourquoi le vicomte de Melun s’écarta de l’armée du roi avec quelques cavaliers armés à la légère, et s’avança vers le côté d’où venait Othon. Il fut suivi d’un homme très brave, d’un conseil sage et admirable, prévoyant avec une grande habileté ce qui peut arriver, Garin, l’élu de Senlis, que j’ai nommé plus haut le frère Garin, car il était frère profès de l’hôpital de Jérusalem, et alors, quoique évêque de Senlis, n’avait pas cessé de porter comme auparavant son habit de religieux. Ils s’éloignèrent donc de plus de trois milles de l’armée du roi jusqu’à ce qu’ils fussent arrivés dans un lieu élevé, d’où ils purent voir clairement les bataillons des ennemis s’avancer prêts à combattre. Le vicomte restant quelque temps en cet endroit, l’évêque se rendit promptement vers le roi, lui dit que les ennemis venaient rangés et prêts à combattre, et lui rapporta ce qu’il avait vu, les chevaux couverts de chevaliers et les hommes d’armes à pied marchant en avant, ce qui marquait évidemment qu’il y aurait combat. Le roi ordonna aux bataillons de s’arrêter ; et ayant convoqué les grands, les consulta sur ce qu’il y avait à faire. Ils ne lui conseillèrent pas beaucoup de combattre, mais plutôt de s’avancer toujours.

Les ennemis étant arrivés à un ruisseau qu’on ne pouvait facilement traverser, le passèrent peu à peu, et feignirent, ainsi que le crurent quelques-uns des nôtres, de vouloir marcher vers Tournai. Le bruit courut donc parmi nos chevaliers que les ennemis se détournaient vers Tournai. L’évêque était d’un avis contraire, proclamant et affirmant qu’il fallait nécessairement combattre ou se retirer avec honte et dommage. Cependant les cris et les assertions du plus grand nombre prévalurent. Nous nous avançâmes vers un pont appelé Bidas, placé entre un endroit appelé Sanghin et la ville de Cisoing. Déjà la plus grande partie de l’armée avait passé le pont, et le roi avait quitté ses armes ; mais il n’avait pas encore traversé le pont, ainsi que le pensaient les ennemis, dont l’intention était, s’il l’eût traversé, ou de tuer sans pitié ou de vaincre, comme ils l’auraient voulu, ceux qu’ils auraient trouvés en deçà du pont. Pendant que le roi, un peu fatigué des armes et du chemin, prenait un léger repos sous l’ombre d’un frêne, près d’une église fondée en l’honneur de saint Pierre, voilà que des messagers envoyés par ceux qui étaient aux derniers rangs, et se hâtant d’accourir promptement vers lui, annoncèrent avec de grands cris que les ennemis arrivaient, et que déjà le combat était presque engagé aux derniers rangs ; que le vicomte et les archers, les cavaliers et hommes de pied armés à la légère, ne soutenaient leur attaque qu’avec la plus grande difficulté et de grands dangers, et qu’ils pouvaient à peine plus longtemps arrêter leur fureur et leur impétuosité. A cette nouvelle, le roi entra dans l’église, et adressant au Seigneur une courte prière, il sortit pour revêtir de nouveau ses armes, et le visage animé, et avec une joie aussi vive que si on l’eût appelé à une noce, il saute sur son cheval. Le cri de : Aux armes ! Hommes de guerre aux armes ! retentit partout dans les champs, et les trompettes résonnent ; les cohortes qui avaient déjà passé le pont reviennent sur leurs pas. On rappelle l’étendard de Saint-Denis, qui devait dans les combats marcher à la tête de tous, et, comme il ne revient pas assez vite, on ne l’attend pas. Le roi, d’une course rapide, se précipite vers les derniers rangs, et se place sur le premier iront de la bataille, où personne ne s’élance entre lui et les ennemis.

Les ennemis voyant le roi, contre leur espérance, revenu sur ses pas, frappés, je crois, comme de stupeur et d’épouvante, se détournèrent vers le côté droit du chemin par lequel ils venaient, et, s’étendant vers l’occident, s’emparèrent de la partie la plus élevée de la plaine, et se tinrent du côté du nord, ayant devant les yeux le soleil plus ardent ce jour-là qu’à l’ordinaire. Le roi déploya ses ailes du côté contraire, et se tint du côté du midi avec son armée qui s’étendait sur une ligne dans l’espace immense de la plaine, en sorte qu’ils avaient le soleil à dos. Les deux armées se tinrent ainsi occupant à peu près une même étendue, et séparées l’une de l’autre par un espace peu considérable. Au milieu de cette disposition, au premier rang était le roi Philippe, aux côtés duquel se tenaient Guillaume des Barres, la fleur des chevaliers, Barthélemy de Roye, homme sage et d’un âge avancé ; Gautier le jeune, homme prudent et valeureux, et sage conseiller, Pierre de Mauvoisin, Gérard Scropha, Etienne de Longchamp, Guillaume de Mortemar, Jean de Rouvrai, Guillaume de Garlande, Henri, comte de Bar, jeune d’âge, vieux d’esprit, distingué par son courage et sa beauté, qui avait succédé en la dignité et en la charge de comte à son père, cousin germain du roi récemment mort, et un grand nombre d’autres, dont il serait trop long de rapporter les noms, tous hommes remarquables par leur courage, depuis longtemps exercés à la guerre, et qui, pour ces raisons, avaient été spécialement placés pour la garde du roi dans ce combat. Du côté opposé se tenait Othon au milieu des rangs épais de son armée, qui portait pour bannière un aigle doré au dessus d’un dragon attaché à une très longue perche dressée sur un char. Le roi, avant d’en venir aux mains, adressa à ses chevaliers cette courte et modeste harangue : « Tout notre espoir, toute notre confiance sont placés en Dieu. Le roi Othon et son armée, qui sont les ennemis et les destructeurs des biens de la sainte Eglise, ont été excommuniés par le seigneur Pape : l’argent qu’ils emploient pour leur solde est le produit des larmes des pauvres et du pillage des églises de Dieu et des cimes. Mais nous, nous sommes chrétiens ; nous jouissons de la communion et de la paix de la sainte Eglise ; et quoique pécheurs, nous sommes réunis à l’Eglise de Dieu, et nous défendons, selon notre pouvoir, les libertés du clergé. Nous devons donc avec confiance nous attendre à la miséricorde de Dieu, qui, malgré nos péchés, nous accordera la victoire sur ses ennemis et les nôtres. » A ces mots, les chevaliers demandèrent au roi sa bénédiction, ayant élevé la main, il invoqua pour eux la bénédiction du Seigneur, aussitôt les trompettes sonnèrent ; et ils fondirent avec ardeur sur les ennemis, et combattirent avec un courage et une impétuosité extrêmes.

En ce moment se tenaient en arrière du roi, non loin de lui, le chapelain qui a écrit ces choses, et un clerc. Ayant entendu le son de la trompette, ils entonnèrent le psaume : Béni soit le Seigneur qui est ma force, qui instruit mes mains au combat, jusqu’à la fin ensuite : O Dieu, élevez-vous, jusqu’à la fin, et : Seigneur le roi se réjouira dans votre force, jusqu’à la fin, et les chantèrent comme ils purent, car les larmes s’échappaient de leurs yeux, et les sanglots se mêlaient à leurs chants. Ils rappelaient à Dieu, avec une sincère dévotion, l’honneur et la liberté dont jouissait son Eglise par le pouvoir du roi Philippe, et le déshonneur et les outrages qu’elle souffrait et souffre encore de la part d’Othon et du roi Jean, par les dons duquel tous ces ennemis, excités contre le roi, osaient dans son royaume attaquer leur seigneur. Le premier choc ne fut pas du côté où se trouvait le roi car, avant qu’il en vînt aux mains, on combattait à l’aile droite, à droite du roi, sans qu’il le sût, je crois, contre Ferrand et les siens. Le premier front des combattants était, comme nous l’avons dit, étendu en ligne droite, et occupait dans la plaine un espace de quarante mille pas. L’évêque était dans cet endroit, non pour combattre, mais pour exhorter les hommes d’armes et les animer pour l’honneur de Dieu, du royaume et du roi, et pour leur propre salut ; il voulait exciter surtout le très noble Eudes, duc de Bourgogne, Gaucher, comte de Saint-Pol, que quelques-uns soupçonnaient d’avoir quelquefois favorisé les ennemis, à raison de quoi il dit lui-même à l’évêque que ce jour-là il serait un bon traître ; Matthieu de Montmorency, chevalier plein de valeur, Jean, comte de Beaumont, beaucoup d’autres braves chevaliers, et en outre cent quatre-vingts chevaliers de la Champagne. Tous ces combattants avaient été rangés dans un seul bataillon par l’évêque, qui mit aux derniers rangs quelques-uns qui étaient à la tête, et qu’il savait de peu de courage et d’ardeur. Il plaça sur un seul et premier rang ceux de la bravoure et de l’ardeur desquels il était sûr, et leur dit : « Le champ est vaste, étendez-vous en ligne droite à travers la plaine, de peur que les ennemis ne vous enveloppent. Il ne faut pas qu’un chevalier se fasse un boucher d’un autre chevalier, maintenez-vous de manière que vous puissiez tous combattre comme d’un seul front. » A ces mots, ledit évêque, d’après le conseil du comte de Saint-Pol, lança en avant cent cinquante hommes d’armes à cheval pour commencer le combat, afin qu’ensuite les nobles chevaliers trouvassent les ennemis un peu troublés et en désordre.

Les Flamands, qui étaient les plus ardents au combat, s’indignèrent d’être attaqués d’abord par des hommes d’armes, et non par des chevaliers. Ils ne bougèrent pas de leur place, mais, les ayant attendus, ils les reçurent vigoureusement, tuèrent les chevaux de presque tous, les accablèrent d’un grand nombre de blessures, mais n’en blessèrent que deux à mort ; car c’étaient de très braves hommes d’armes de la vallée de Soissons, et ils combattaient aussi bien à pied qu’à cheval.

Gautier de Ghistelle et Buridan, d’un merveilleux courage, et comme incapables de crainte, rappelaient aux chevaliers les faits de leurs compagnons, aussi peu troublés que s’il se fût agi de quelque jeu guerrier. Après avoir renversé quelques-uns de ces hommes d’armes, ils les laissèrent de côté, et s’avancèrent en plaine, ne voulant, comme s’il se fût agi de quelque exercice d’été, combattre qu’avec des chevaliers. Quelques chevaliers de la troupe de Champagne, d’une valeur aussi grande que la leur, en vinrent aux mains avec eux. Leurs lances brisées, ils tirèrent leurs épées et redoublèrent les coups ; mais Pierre de Rémi étant survenu avec ceux qui étaient dans le même bataillon, Gautier de Ghistelle et Buridan furent emmenés par force prisonniers. Ils avaient avec eux un chevalier nommé Eustache de Maquilin, qui vociférait avec un grand orgueil : Mort aux Français ! Mort aux Français ! Les Français l’entourèrent, et l’un d’eux l’ayant saisi, et pressant sa tête entre son coude et sa poitrine, arracha son casque de sa tête ; un autre lui fourrant un couteau entre le menton et la cuirasse par le gosier, la poitrine et les parties nobles, le força de subir avec horreur la mort dont il menaçait à grands cris les Français. Sa mort et la prise de Gautier et Buridan accrurent l’audace des Français, et, comme certains de la victoire, rejetant toute crainte, ils firent usage de toutes leurs forces.

Gaucher, comte de Saint-Pol, avec une légèreté égale à celle d’un aigle qui fond sur des colombes, suivit les hommes d’armes envoyés, comme nous l’avons dit, par l’évêque. A la tête de ses chevaliers qu’il avait choisis excellents, il pénétra au milieu des ennemis, et traversa leurs rangs avec une agilité merveilleuse : donnant et recevant un grand nombre de coups, tuant et abattant indifféremment hommes et chevaux, et ne prenant personne, il revint ainsi à travers une autre troupe d’ennemis, et en enveloppa un très grand nombre comme dans un filet. Il fut suivi avec une aussi grande impétuosité par le comte de Beaumont, Matthieu de Montmorency avec les siens, le duc de Bourgogne lui-même, entouré d’un grand nombre de braves chevaliers, et la troupe de Champagne. Là s’engagea des deux côtés un combat admirable. Le duc de Bourgogne, très corpulent et d’une complexion flegmatique, fut jeté à terre, et son cheval fut tué par les ennemis. On se pressa autour de lui, et les bataillons des Bourguignons l’entourèrent. On lui amena un autre cheval. Le duc, relevé de terre par les mains des siens, monte sur son cheval, agite son épée dans sa main, dit qu’il veut venger sa chute, et se précipite avec fureur sur les ennemis. Il n’examine pas qui se présente à lui, mais il venge sa chute sur tous ceux qu’il rencontre, comme si chacun deux avait tué son cheval. Là combattait le vicomte de Melun, qui faisait des prodiges de valeur, ayant dans son bataillon de très braves chevaliers, De même que le comte de Saint-Pol, il attaqua les ennemis d’un côté, les enfonça, et revint à travers leurs rangs par un autre côté. Là, Michel de Harnes, dans un autre bataillon, eut son bouclier, sa cuirasse et sa cuisse transpercés par la lance d’un Flamand, et demeura cloué à sa selle et à son cheval, en sorte que lui et le cheval tombèrent à terre. Hugues de Malaunaye fut renversé à terre, ainsi que beaucoup d’autres, dont les chevaux furent tués, et qui, se relevant avec force, combattirent aussi vigoureusement à pied qu’à cheval.

Le comte de Saint-Pol, fatigué des coups qu’il avait reçus comme de ceux qu’il avait portés, s’éloigna un peu de ce carnage, et prit un léger repos. Ayant le visage tourné vers les ennemis, il vit un de ses chevaliers entouré par eux. Comme il n’y avait aucun accès vers lui pour le délivrer, quoiqu’il n’eût pas encore repris haleine, pour pouvoir traverser avec moins de danger le bataillon serré des ennemis, il se courba sur le cou de son cheval, qu’il embrassa de ses deux bras, et, pressant son cheval des éperons, il fondit sur le bataillon des ennemis, et parvint à travers leurs rangs jusqu’à son chevalier. Là, se redressant, il tira son épée dispersa merveilleusement tous les ennemis qui l’entouraient, et ainsi, par une audace ou une témérité admirable, et à son grand péril, il délivra son chevalier de la mort, et, s’échappant des mains des ennemis, se retira dans son bataillon. Ceux qui en avaient été témoins affirmèrent qu’il avait été un moment en un tel danger que douze lances à la fois l’avaient frappé sans pouvoir cependant ni abattre son cheval, ni l’enlever de dessus la selle. Après s’être un peu reposé, il se précipita de nouveau au milieu des ennemis avec ses chevaliers, qui avaient pris haleine pendant ce temps-là.

La victoire ayant pendant quelque temps voltigé d’une aile douteuse d’un côté à l’autre, comme ce combat si animé durait déjà depuis trois heures, tout le poids de la bataille tourna enfin contre Ferrand et les siens. Lors, accablé de blessures et renversé à terre, il fut emmené prisonnier avec un grand nombre de ses chevaliers. Presque expirant de la fatigue d’un si long combat, il se rendit principalement à Hugues de Maroil et à Jean, son frère : tous les autres qui combattaient dans cette partie de la plaine furent tués ou pris, ou échappèrent par une honteuse fuite aux Français qui les poursuivaient.

Pendant ce temps, arrivèrent, avec la bannière de Saint-Denis, les légions des communes qui s’étaient avancées presque jusqu’aux maisons. Elles accoururent le plus promptement possible vers l’armée du roi, où elles voyaient la bannière royale, qui se distinguait par les fleurs de lis, et que portait ce jour-là Galon de Montigny, chevalier très valeureux, mais peu fortuné. Les communes étant donc arrivées, principalement celles de Corbeil, d’Amiens, de Beauvais, de Compiègne et d’Arras, pénétrèrent dans les bataillons des chevaliers, et se placèrent devant le roi lui-même. Mais ceux de l’année d’Othon, qui étaient des hommes d’un courage et d’une audace extrêmes, les repoussèrent incontinent vers le roi, et, les ayant un peu dispersés, parvinrent presque jusqu’au roi. A cette vue, les chevaliers qui étaient dans l’armée du roi marchèrent en avant, et, laissant derrière eux le roi, pour lequel ils concevaient quelque crainte, s’opposèrent à Othon et aux siens qui, dans leur fureur teutonique, ne cherchaient que le roi seul. Pendant qu’ils étaient devant, et arrêtaient par leur admirable courage la fureur des Teutons, des hommes de pied entourèrent le roi, et le jetèrent à bas de son cheval avec des crochets et des lances minces ; et s’il n’eût été protégé par la main de Dieu et par une armure incomparable, ils l’eussent certainement tué. Un petit nombre de chevaliers qui étaient restés avec lui, ledit Galon, qui, abaissant souvent sa bannière, demandait du secours, et surtout Pierre Tristan, qui, descendant lui-même de son cheval, se jeta au devant des coups qui menaçaient le roi, renversèrent, dispersèrent et tuèrent ces hommes de pied ; et le roi lui-même, se relevant plus vite qu’on ne l’espérait, sauta sur un cheval avec une étonnante légèreté.

On combattit donc des deux côtés avec un courage admirable, et un grand nombre d’hommes de guerre furent renversés. Devant les yeux même du roi fut tué Etienne de Longchamp, chevalier valeureux et d’une fidélité intacte, qui reçut un coup de couteau dans la tête par la visière de son casque ; car les ennemis se servaient d’une espèce d’arme étonnante et inconnue jusqu’à présent : ils avaient de longs couteaux minces et à trois tranchants qui coupaient également de chaque tranchant depuis la pointe jusqu’à la poignée, et ils s’en servaient en guise d’épée. Mais, par l’aide de Dieu, les épées des Français et leur infatigable courage l’emportaient. Ils repoussèrent toute l’armée d’Othon, et parvinrent jusqu’à lui ; au point que Pierre Mauvoisin, chevalier plus puissant par les armes, en quoi il surpassait tous les autres, que par la sagesse, saisit son cheval par la bride, mais comme il ne pouvait le tirer de la foule dans laquelle il était pressé, Gérard Scropha lui frappa la poitrine d’un couteau qu’il tenait nu dans la main. N’ayant pu le blesser, à cause de l’épaisseur des armes impénétrables qui défendent les chevaliers de notre temps, il réitéra son coup ; mais ce second coup porta sur la tête du cheval, qui la portait droite et élevée. Le couteau, poussé avec une force merveilleuse, entra, par l’œil du cheval, dans sa cervelle. Le cheval, blessé à mort, se cabra, et tourna la tête vers le côté d’où il était venu. Ainsi l’empereur montra le dos à nos chevaliers, et s’éloigna de la plaine, quittant et abandonnant au pillage l’aigle avec le char. A cette vue, le roi dit aux siens : « Vous ne verrez plus sa figure d’aujourd’hui. » Il était déjà un peu en avant, lorsque son cheval s’abattit. On lui amena aussitôt un cheval frais. Il le monta, et se mit à fuir promptement. Déjà en effet il ne pouvait, plus soutenir davantage la valeur de nos chevaliers, car deux fois le chevalier des Barres l’avait tenu par le cou mais il lui avait échappé par la vitesse de son cheval et par le grand nombre de ses chevaliers qui, pendant que leur empereur fuyait, combattaient merveilleusement, au point qu’ils renversèrent à terre le chevalier des Barres, qui s’était avancé plus que les autres. Gautier le jeune, Guillaume de Garlande, Barthélemy de Roye, et d’autres qui étaient avec eux, dont les lances brisées et les épées toutes sanglantes attestaient la bravoure, étant, dit-on, des hommes prudents, ne jugèrent pas bon de laisser loin d’eux le roi, qui les suivait d’un pas égal c’est pourquoi ils ne s’étaient pas autant avancés que le chevalier des Barres qui, démonté et entouré d’ennemis, se défendait, selon sa coutume, avec une admirable valeur. Cependant, comme un homme seul ne peut résister à une multitude, il eût été pris ou tué, si Thomas de Saint Valéry, homme brave et fort à la guerre, ne fût survenu avec sa troupe, composée de cinquante chevaliers et deux mille hommes de pied. Il délivra le chevalier des Barres des mains des ennemis, ainsi que me l’a raconté quelqu’un qui y était.

Le combat se ranima. Bernard de Hostemale, très brave chevalier, le comte Othon de Tecklenbourg, le comte Conrad de Dortmund, et Gérard de Randeradt, avec d’autres chevaliers très valeureux que l’empereur avait spécialement choisis, à cause de leur éminente bravoure, pour être à ses côtés dans le combat, combattaient pendant que l’empereur fuyait, et renversaient et blessaient les nôtres. Cependant les nôtres l’emportèrent, car les deux comtes ci-dessus nommés furent pris, ainsi que Bernard et Gérard ; le char fut mis en pièces, le dragon brisé, et l’aigle, les ailes arrachées et rompues, fut porté au roi. Le comte de Boulogne ne cessa pas de combattre depuis le commencement de la bataille, et personne ne put le vaincre. Ledit comte avait employé un artifice admirable ; il s’était fait comme un rempart d’hommes d’armes très serrés sur deux rangs, en forme de tour à l’instar d’un château assiégé, où il y avait une entrée comme une porte, par laquelle il entrait toutes les fois qu’il voulait reprendre haleine, ou quand il était pressé par les ennemis, et il eut souvent recours à ce moyen.

Le comte Ferrand et l’empereur lui-même, comme nous l’avons ensuite appris des prisonniers, avaient juré de négliger tous les autres bataillons pour s’avancer vers celui du roi Philippe, et de ne point détourner leurs chevaux qu’ils ne fussent parvenus vers lui et ne l’eussent tué, parce que si le roi (Dieu nous en préserve) eût été tué, ils espéraient triompher plus facilement du reste de l’armée. C’est à cause de ce serment qu’Othon et son bataillon ne combattirent qu’avec le roi et son bataillon. Ferrand voulut commencer à s’avancer vers lui, mais il ne le put, parce que, comme on l’a dit, les Champenois lui fermèrent son chemin. Renaud, comte de Boulogne, négligeant tous les autres, parvint au commencement du combat jusqu’au roi ; mais comme il était près de lui, respectant, je crois, son seigneur, il s’éloigna et combattit avec Robert, comte de Dreux, qui n’était pas loin du roi dans un bataillon très épais. Mais Pierre, comte d’Autun, parent du roi, combattait vigoureusement pour lui, quoique son fils Philippe, ô douleur ! parent, du côté de sa mère, de la femme de Ferrand, fût dans le parti des ennemis du roi, car les yeux de ces ennemis étaient aveuglés à un tel point qu’un grand nombre d’entre eux, quoiqu’ils eussent dans notre parti leurs frères, leurs beaux-frères, leurs beaux-pères et leurs parents, sans respect pour leur seigneur séculier et sans crainte de Dieu, n’en osaient pas moins, dans une guerre injuste, attaquer ceux qu’ils étaient tenus, au moins par le droit naturel, de respecter et de chérir.

Ce comte de Boulogne, quoiqu’il se battît ainsi avec bravoure, avait beaucoup conseillé de ne pas combattre, connaissant l’impétuosité et la valeur des Français. C’est pourquoi l’empereur et les siens le regardaient comme traître, et l’eussent mis dans les fers, s’il n’eût consenti au combat. Comme ce combat s’engageait, on rapporte qu’il dit à Hugues de Boves : « Voilà ce combat que tu conseillais et dont je dissuadais. Tu fuiras comme un lâche : tandis que moi, je combattrai, au péril de ma tête, et je serai pris ou tué. » A ces mots, il s’avança vers le lieu du combat qui lui était destiné, et se battit, ainsi qu’on l’a dit, plus longtemps et plus vaillamment qu’aucun de ceux qui étaient présents.

Cependant les rangs du parti d’Othon s’éclaircissent, pendant que lui-même, et un des premiers, était en fuite. Le duc de Louvain, le duc de Limbourg, Hugues de Boves, et d’autres, par centaines, par cinquantaines et par troupes de différents nombres, s’abandonnèrent à une honteuse déroute. Cependant le comte de Boulogne, combattant encore, ne pouvait s’arracher du champ de bataille, quoiqu’il ne fût aide que de six chevaliers, qui, ne voulant point l’abandonner, combattirent avec lui, jusqu’à ce qu’un homme d’armes. Pierre de Tourrelle, d’une bravoure extraordinaire, dont le cheval avait été tué par les ennemis, et qui combattait à pied, s’approcha dudit comte, et levant la couverture du cheval, lui enfonça son épée dans le ventre jusqu’à la garde. Ce qu’ayant vu un chevalier du comte, il saisit la bride, et l’entraîna malgré lui hors du combat. Ils furent poursuivis par les deux frères Quenon et Jean de Condunc, braves chevaliers, qui renversèrent le chevalier du comte, dont le cheval tomba aussitôt en cet endroit. Le comte demeura ainsi renversé, ayant la cuisse droite sous le cou de son cheval déjà mort, position dont on ne put qu’à grand’ peine le tirer. Survinrent Hugues et Gautier Desfontaines et Jean de Rouvrai. Pendant qu’ils se disputaient entre eux pour savoir à qui appartiendrait la prise du comte, arriva Jean de Nivelle, avec ses chevaliers. C’était un chevalier haut de taille, très beau de figure, mais en qui le courage et le cœur ne répondaient nullement à la beauté du corps, car dans cette bataille il n’avait encore de tout le jour combattu avec personne. Cependant il se disputait avec les autres qui retenaient le coin le prisonnier, voulant par cette proie s’attirer quelque louange ; et il l’eût emporté si l’évêque ne fût arrivé. Le comte, l’ayant reconnu, se rendit à lui, et le pria seulement de lui sauver la vie. Un certain garçon, fort de corps et d’un grand courage, nommé Comot, étant en cet endroit, avait tiré son épée, et, enlevant au comte son casque, lui avait fait une très forte blessure à la tête, et pendant que les chevaliers se disputaient, comme on l’a dit il voulut lui plonger son couteau dans les parties inférieures ; mais comme ses bottes étaient cousues à la cotte de sa cuirasse, il ne put trouver d’endroit pour le blesser. Le comte s’efforça de se relever, mais ayant vu non loin de là Arnoul d’Oudenarde, chevalier très valeureux, se hâter avec quelques cavaliers de venir à son secours, il feignit de ne pouvoir se soutenir sur ses pieds, et retombant de lui-même par terre, il attendit qu’on vînt le délivrer. Mais ceux, qui étaient là, le frappant de coups à plusieurs reprises, le forcèrent, bon gré mal gré, de monter sur un roussin. Arnoul et ceux qui raccompagnaient furent pris.

Pendant que tous les cavaliers, ou s’étaient échappés, par la fuite, du champ de bataille, ou étaient pris ou tués, et qu’ainsi les flancs de l’armée d’Othon demeuraient à nu au milieu de la plaine, restaient encore de très valeureux hommes d’armes à pied, les Brabançons et d’autres, au nombre de sept cents, que les ennemis avaient placés devant eux comme un rempart. Le roi Philippe le Magnanime, voyant qu’ils tenaient encore, envoya contre eux Thomas de Saint Valéry, homme noble, recommandable par sa vertu, et tant soit peu lettré. Étant bien monté, quoiqu’il fût déjà un peu fatigué de combattre à la tête des fidèles hommes de sa terre, montant au nombre de cinquante cavaliers et de deux mille hommes de pied, il fondit sur eux avec une grande impétuosité, et les massacra presque tous, chose merveilleuse. Lorsqu’après cette victoire, Thomas compta le nombre des siens, il n’en trouva de moins qu’un seul, qu’on chercha aussitôt et qu’on trouva au milieu des morts. Il fut porté dans le camp. Dans l’espace de peu de jours des médecins guérirent ses blessures, et le rendirent à la santé. Le roi ne voulut pas que les siens poursuivissent les fuyards pendant plus d’un mille, à cause du peu de connaissance qu’ils avaient des lieux, et de l’approche de la nuit, et de peur que, par quelque hasard, les hommes puissants retenus prisonniers ne s’échappassent ou ne fussent arrachés des mains de leurs gardes. C’était surtout cette crainte qui le tourmentait. Ayant donc donné le signal, les trompettes sonnèrent le rappel, et les bataillons retournèrent au camp remplis d’une grande joie.

O admirable clémence d’un prince ! Piété nouvelle et inconnue au monde ! le même soir, lorsqu’on eut amené en présence du roi les grands qui avaient été pris, à savoir : cinq comtes, vingt-cinq autres d’une si haute noblesse que chacun d’eux avait le droit de porter bannière, et en outre, un grand nombre d’autres d’un rang inférieur, le roi, quoiqu’ils fussent tous de son royaume, qu’ils eussent conspiré contre sa vie, et fait tous leurs efforts pour le tuer, et qu’ils dussent ainsi, selon les lois et les coutumes de ce pays, être punis de la peine de mort, comme coupables de lèse-majesté, le roi, dis-je, se montrant doux et miséricordieux, leur accorda à tous la vie. Autant il était animé contre les rebelles de rigueur et de sévérité, autant et plus encore il montrait toujours de clémence aux vaincus, toujours appliqué à pardonner aux vaincus et à vaincre les superbes. Cependant il les fit tous renfermer en prison, et les ayant fait placer enchaînés sur des chariots, il fit route vers Paris.

[...]

Liste des prisonniers (pris à la bataille de Bovines) livrés aux prévôts de Paris, par les mains de maître Garni et de Jean Paule.

- De la commune de Noyon. —Philippe de Malagraen, Jean de Hodeberge, Simon de Saffebergue, Thomas de Laconté, Pierre de Brulle. Total 5.

- Commune de Mont-Didier. — Gile de Sarte, Girard de Barbais, Baudouin du Mont, Honoré de Wamier ou Wamire, Gile de Mont-Saint-Aldegonde, Thibaut de Tremogne. Total 6.

- Commune de Montreuil. —Gautier de Qnievrein, Renier de Murnac, Guillaume de Unguebert, Nicolas, fils de Perrin Evrard d’Iske, Seher Dareteguis, Alexandre de Barsèle, Leblert Descolin. Total 8.

- Commune de Soissons. —Sebeit de Mernac, Couraud, comte de Tremogne ; Renclin de Lamprenesse,

- Guillaume de Hestave, Robert de Saint-Léonard, Guillaume de Beaumont, Fastret de Villers, Renier de Wavres, Terric de Ligne, Herbert de Gaie. Total 10.

- Judas et Jean Paule, Hellin de Wavres, Arnoul de Landast, Gautier de Ghistèle, Jacques de Ruest, Pierre du Mesnil, Hellin de Letor, Girard Dannelin, Gautier des Conseillez, Henri de Tecklembourg. Total 9,

- Commune de Bruyères. — Arnoul de Grinberge, Seher de Mosère, Philippe de Wavre, Nicolas de Harlut, Bernard de Hotemare, Gérard de Randeradt. Total 6.

- Commune de Hesdin. — Garnier d’Oringuel, Henri Jutfane, Henri le Gros, Ourson de Fretin, Heline des Eaux, Raimond de Wavre. Total 6.

- Commune de Cerny. — Robert d’Estroem, Roger Mallet, Philippe de Tonquernelles, Guillaume d’Averquin. Total 4

- Commune de Crespy en Laonnais. —Baudouin de Blanderque, Terric de Lahemède, Arnoul de Baenguien, Jean de Roserneles. Total 4

- Commune de Craone. — Baudouin de Prac, Roger de Bosc, Robert de Tieulemont, Gautier de Waquene. Total 4.

- Commune de Vesly. — Fastrex de Ligne, Seher de Hestru, Raoul de Malogne, Guillaume Danelin, Etienne Dessentes, de la famille d’Othon, Geoffroi de Ville. Total 6. Il y en a autant dans la tour de Compiègne.

- Commune de Corbie. — Eustache de Ruest, Laurent de Portegal, Terric de Melinguien, Jean de Laconté, Eustache de Malle, Geoffroi de Loscart, Henri de Lépine, Girard Flamenc, Terric d’Osqueberc. Total 9.

- Commune de Compiègne. — Raoul le Bigot, frère du comte de Salisbury, Robert Danetière, Baudouin de Boudais, Hugues de Mallers, Rimé de Vismes. Total 5.

- Commune de Roye. — Arnould de Créqui, Gilbert Cornu, Geoffroi Brise-teste, Gautier de Lonbec, Bernard, prêtre, d’Utec, Baudouin de Lens. Total 6.

- Commune d’Amiens. — Richard de Cologne, Baudouin de Saint-Léger, Jean de Coing, Gilbert de la Copèle, Conrad de Corasin, Henri Trosse, Hugues de Saint-Obert, Borel de Flechien, Jean de Liez, Baudouin de Perenches. Total 10.

- Commune de Beauvais. — Race de Gavre, Otlion, comte de Tecklembourg, Venquernent de Groningue, Hugues de Bailleul, Girard de Grimberge, Manassès de Conti, Gilon de Gamachines, Henri le Rouge, Robert de Marque, Terric Vide-Ecuelle, Terric de Bribais, Othon d’Ostemare. Total 12. Somme totale 110.

- Jacques d’Arras, bourgeois de Valenciennes, et deux chevaliers, eurent en leur garde les serviteurs des prisonniers, qui furent livrés par les gens de Senlis aux prévôts de Paris, Neuholet et Lambéchin de Monthierry.

Liste de ceux qui ont été reçus dans le grand Châtelet.

Philippe de Malenguien, Gautier de Quievrain, René de Murnac, Nicolas, fils de Perrin, Alexandre de Barsèle, Seher de Mesnac, Conrad, comte de Trémogne, Renelin de Lamprenesse, Guillaume, châtelain de Beau mont ; Hellin de Wavres, Arnoul de Landat, Gautier de Ghistèle, Jacques de Ruest, Pierre du Mesnil, Arnoul de Grimberge, Philippe de Vavre, Bernard d’Ostemare, Gérard de Randeradt, Ourson de Fretin, Baudouin de Prac, Robert de Tieulemont, Eustache Ruest, Laurent de Porteral, Terric d’Osqueberc, Raoul le Bigot, Arnonld de Créqui, Gilbert Cornu, Hugues de Saint-Obert, Jean de Biez, Race de Gavre, Othon, comte de Tecklenbourg : Girard de Grimberge, Othon d’Ostemare, Fastrex de Ligne. Total 34.

Liste de ceux qui ont été rendus y ou pour qui on a donné des otages.

- Thomas de Malesmains. Le roi a donné à Enguerrand de Courcelles pour sa rançon.

- Anselme de Rivière. Il a été rendu, par lettre du roi, pour Hervée de Busenci.

- Arnoul d’Esquallon. Nicolas de Baillail, Pierre de Bailleul, Alard de Croisilles et Gilles de Daube, se sont portés caution pour lui, de tout leur avoir.

- Roger de Wafïale. Il a été donné au roi des ribauds, parce qu’il se disait à son service.

- Hugues de Gastine, pour qui Jean de Nivelle s’est rendu caution de cent marcs.

- René de Croisilles a caution pour cent marcs Gui de Hodenc, mari de la fille d’Othon d’Arbre.

- Nivelon, maréchal, a Gautier de Bailleul.

- Le comte de Soissons a Arnoul d’Oudenarde pour mille marcs.

- Jean de Nivelle a le comte de Boulogne. Barthélemy de Roye a le comte Ferrand. Le comte de Dreux a le comte de Salisbury. Enguerrand de Coucy a Gautier de Boves. Le comte Pierre a le fils de Guillaume. Major de Coucy à Gautier Despoil.

Liste des prisonniers qui sont à Compiègne.

- Daniel de Masquelines, Philippe de la Gastine, Roger de Honleguen, Guillaume d’Uze, Gérard Limors, Jean de Hérigny. Ces six chevaliers furent pris à Courtrai.

- Gautier d’Aine et Guillaume de Hurupe, tous deux furent pris à Deinse.

- Arnould de Gavre, pris à Saint-Omer.

- Alard de Bourgueil, pris à Lille, et Renaud, son porte bouclier.

- Pariden Desperguen, Simon d’Espliché, pris tous deux à la grande bataille.