Des sources (textuelles, iconographiques ...) sur l'équipement des piétons et miliciens du début du XIIIème siècle
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RANULF
 
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Messagede RANULF » Lun Juin 08, 2009 5:30 pm

En ce qui concerne le contexte Champenois:
(tomes 3 et 4 1152-1181 histoire des ducs et comtes de Champagne, de H d'arbois de Jubainville 1859)
Au contraire des nobles les "vassaux roturiers" ne sont pas convoqués par le comte mais par ses prévôts et devaient partir en campagne même si le comte ou un de ses bras droits ne mènent pas l'expédition. Comme en France il existe quelques exceptions (que je ne détaillerai pas ici). Même les étrangers résidant dans le comté doivent le service ! Dans plusieurs villes les règlements imposaient aux Bourgeois propriétaires d'un capital de plus de 20 livres de conserver en permanence une arbalète et 50 carreaux à leur dommicile. Le butin est la propriété de celui qui le trouve, si le chef en demande la restitution il doit dédommager ses hommes...
Les roturiers qui combattent à cheval le fournisse à leurs frais, si les chevaux sont frappés de réquisition par le compte les propriétaires sont dédommagés de 8 deniers par jour (en 1242). Si le cheval ne revient pas le propriétaire est également dédommagé.
L'idée de regrouper les piétons autour des prévôts semble à la fois intéressante et presque logique: les hommes sont levés sur une zone géographique donnée et commandés par un des responsables de cette zone: à creuser...
Si on prend l'exemple de la bataille de Steppes (1213):
Un dénommé Thierry de Walcourt est porteur de la bannière de la ville et responsable des piétons sur le champ de bataille.
Commandant de l’infanterie, il place ses troupes derrière les cavaliers et leur donne l’ordre de former un mur de piques immobiles, pour empêcher la cavalerie de tourner bride. Les fantassins du comté de Looz sont à droite, les plus nombreux ceux de Lièges et de Huy au centre, ceux de Dinant et du sud du pays à gauche. Qui était ce Thierry de Walcourt, je n'ai pas trouvé plus d'infos sur lui, mais les hommes sont regroupés par zone géographique. :hello:
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Messagede RANULF » Lun Juin 08, 2009 5:36 pm

Oriabel a dit : Edouard Audouin dans son étude sur l'armée de Philippe Auguste donne de précieuses indications qui vont dans le même sens. Je pense que son travail a servi de base à celui bien plus récent que tu cites, Ranulf.


Oui tout à fait, à la fin de son ouvrage John Baldwin explique pourquoi et comment il a corrigé les chiffres d'Audouin.
Ranulf dit Jambe-gâtée

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Ernoul
 
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Messagede Ernoul » Lun Juin 08, 2009 6:50 pm

les mercenaires coté français sont extremement peu nombreux (visiblement dans les sources).
Cette catégorie concernerait surtout les coalisés sous le label "brabançons"?
Partagez vous cet avis?
Monjooooieeee !

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Messagede RANULF » Mar Juin 09, 2009 4:59 pm

J'aurai tendance à dire qu'il faut être méfiant sur les pourcentages de mercenaires pour les raisons suivantes:
- leur chef touche une somme globale pour toute sa troupe: il rétribue ses hommes comme bon lui semble, à priori ces hommes étaient moins bien payés que les autres sergents.
- si on compare avec les places fortes de la frontière Normande en 1202-1203 on peut voir que les effectifs varient énormément (tant au niveau des chevaliers que des sergents et pas forcément dans les mêmes proportions) en fonction des besoins. L'utilisation des troupes semble donc pragmatique.
- des mercenaires ne sont pas forcément les troupes idéales pour tenir une frontière, par contre pour partir en campagne et prendre des villes et des châteaux ou livrer bataille ils sont réputés très efficaces.
- il faut être méfiant vis à vis des chroniqueurs Français qui pour des raisons d'image ne vont pas trop insister sur le fait que le Roi utilise des troupes à la réputation plus que détestable vis à vis du peuple et de l'Eglise.

J'ai trouvé l'ouvrage intégral d'Edouard Audouin sur le NET: peut être y aura-t-il plus d'éléments. Le seul bugg c'est que la version PDF ne s'ouvre pas, je vais devoir le télécharger page par page... A moins que l'un d'entre vous ai un racourci efficace à 100%. Par avance merci :D
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Messagede Yvan de Tergate » Mar Juin 09, 2009 5:14 pm

Si je ne me trompe, les sources que tu as utilisé sont des documents administratifs et non des chroniques. A partir de là, je pense que l'on peut considérer les chiffres comme a peu près exacts. En tout cas, infiniment plus précis que tout ce que l'on pourrait lire dans une chronique.
« Dieu aide ! »

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Messagede RANULF » Mar Juin 09, 2009 5:26 pm

Tout à fait d'accord Yvan, ce que je voulais dire par cette remarque générale c'est que dans le contexte Normand de ses années-là il y a effectivement (à priori) peu de mercenaires, mais dans le même temps qu'en est-il pour la campagne d'Anjou ?
Je pense aussi que les comptes nous apportent des infos plus précises que les chroniques que l'on peut soupçonner de faire dans le politiquement correct (sans pour autant les négliger bien entendu).
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Messagede RANULF » Mer Juin 24, 2009 9:45 pm

Grâce à Jacques et à Geoffrey, j'ai réussi à avoir les infos que je cherchais sur Thierry de Walcourt qui commandait les piétons lors de la bataille de Steppes dont je vous ai déjà parlé: à priori c'était un noble ! Ce qui ne veut pas dire que c'était systématique, cf pour la Champagne à la même époque.
"Thierry de Walcourt-Montaigu, comte de Montaigu né en 1170, décédé le 21/6/1237, c’est probablement lui qui participe à la prise de Muret en 1213. Il participe à la bataille de Steppes où il fit montre d’une grande valeur en tant que commandant des milices communales de Liège, seigneur de Walcourt dès 1200. En 1215 il est dans la suite de Hugues de Pierpont, Prince-Evêque, qui se rend au concile oecuménique d’Innocent III, en 1220 il repart en expédition en Terre Sainte. Son blason : « d’or à l’aigle de gueules becquée et membrée d‘azur »
Quant à Thierry de Rochefort... Les familles de Walcourt et Rochefort sont parentes, effectivement puisque de l'orgine, ce sont les Montaigus qui sont seigneurs de Rochefort qui donneront les Walcourt,la branche des de Rochefort et celle d'Orgeo (ou d'Orjo). Il est donc noble ça c'est certain et parent avec le 1er.Cette généalogie est relativement compliquée surtout à cause de l'homonymie des protagonistes. Un Thierry de Walcourt intervient par exemple dans la guerre de la vache mais ce n'est pas le même que celui de Steppes."
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Messagede RANULF » Jeu Juil 23, 2009 8:20 pm

Dans le registre A de Philippe Auguste on peut lire : « le compte des armes déposées dans les places voisines de la Normandie ».
Dans le registre B de Philippe Auguste on peut lire : « le compte des armes et des vivres déposées dans les places du domaine royal » (hee sunt munitiones castorum domini Regis).
Comme leurs titres l’indiquent, ces sources donnent de nombreuses informations sur l’équipement des troupes du début du XIIIème. Mais l’interprétation des termes est parfois difficile, tels : vetrarie ferrie ou ventreri ferri ou encore geniculares ferree (genouillères ?) ou encore de coiffe ferree ( ?).
Heureusement, une grande majorité ne prête pas vraiment à discussion.
Il semble que le nombre d’épées et de lances dans ces arsenaux soit très faible.
Par contre à Pacy, sur la frontière Normande, on trouve mention de haches Danoises, au Vaudreuil on trouve la notion de « bisacute» (à priori hache à 2 tranchants, 1 vertical et 1 horizontal d’après Audouin ?).
Concernant la maille, on trouve le plus souvent les dénominations suivantes :
- lorica : traduit par haubert selon Audouin
- loricula ou haubergon : traduit par haubert selon Audouin (ex : Vernon, Fontainebleau)
Souvent sans plus de précisions, mais parfois avec de multiples détails :
- lorica integra: haubert entier (ex: Pacy, Bonneville-sur-Touque)
- lorica integra ad cafam : haubert entier avec camail (ex : Harcourt)
- lorica sine coiffa : haubert sans camail (ex : Harcourt)
- lorica sine manucis : haubert sans gants (ex : Le Vaudreuil dans l’heure)
- lorica duplex : haubert double (Joinville en parlera aussi)
On trouve aussi les notions de :
- paria caligarum integrarum : traduit par chausses de mailles complètes par Audouin (ex : Le Vaudreuil)
- paria curtarum usquead genua : traduit par chausses de mailles partielles jusqu’aux genoux selon Audouin (ex : Le Vaudreuil)
Concernant les hauberts et haubergeons ça semble recouper les sources iconographiques comme le vitrail conservé au Louvres.
A Exmes dans l’Orne, on trouve la mention capelli ferri (malheureusement point de photos :ouin: ). Au Vaudreuil on trouve la notion de « bisacute».
Dans ces listes, on trouve aussi mention de coffres à carreaux.
Cet hiver, j’essaierai de vous envoyer quelque chose d’un peu plus détaillé, mais j’aurai peut être besoin d’un coup de main de latinistes chevronnés.
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Messagede Reinhardt » Jeu Juil 23, 2009 8:32 pm

Très très intéressant tout ça ! Merci pour le partage !

Donc concernant les hauberts, si l'on en crois ces listes, il y a une certaine variété, allant du haubert complet (moufles et coiffe) au haubert bête (sans moufles et sans coiffe) ou semi-complet (avec moufles mais sans coiffe, ou avec coiffe mais sans moufles) et également des chausses de mailles partielles ou complètes.
Ceci tendrait à confirmer que le sergent n'est pas si pauvre ni aussi mal équipé que ça.
Seules la qualité du matos nous fait défaut : c'est bien beau d'avoir un haubert, mais encore faut-il faire le distingo entre un haubert de chevalier à mailles fines et serrées capable de stopper le tir d'un long bow de guerre ou une lame de dague triangulaire etc... et un haubert de piéton aux mailles usées, mal rivetées, trop espacées et trop grandes qui laissera passer les flèches, dagues et p'têt même les dards de guèpes (payées par les Français pour renforcer leurs faibles effectifs !)

Cependant un détail me frappe : sauf mention contraire, il n'est jamais fait allusion à la moindre cotte gambesée, gamboison, gambison et autres gambesons ?
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Messagede Oriabel » Ven Juil 24, 2009 6:09 am

Il s'agit d'infos tirées de l'étude d'Audouin sur les armées de Philippe-Auguste ? parce que je viens d'en avoir une version papier que je pensais te faire parvenir...
Pour le latin, je peux demander à quelqu'un...

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Messagede Yvan de Tergate » Ven Juil 24, 2009 8:32 am

Passionnant !

Malheureusement, je ne parle pas un mot de latin, je ne pourrais donc t'être d'aucun secours. Par contre j'ai hâte de lire le résultat de ton travail.

Pour les hauberts, rien d'étonnant, ca confirme l'iconographie. Pour l'histoire des chausses de maille, il serait interessant de confirmer la distinction entre les 2 types en question. Car il pourrait également s'agir d'une distinction entre ce que l'on appelle des chausses "fermées" et "ouvertes".

Enfin, les différents termes difficiles à traduire dont tu parles au début (vetrarie ferrie ou geniculares ferree) laissent rêveurs !
« Dieu aide ! »

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Messagede RANULF » Sam Juil 25, 2009 6:14 pm


Cependant un détail me frappe : sauf mention contraire, il n'est jamais fait allusion à la moindre cotte gambesée, gamboison, gambison et autres gambesons ?



En fait mon dernier message n'est qu'un résumé. Les gambisons comme les épées et les lances semblent peu présents mais ne sont pas inéxistants, ex: Le Vaudreuil "IIIIxx gambesons". Dans ces listes il y a aussi des données intéressants sur les arbalètes. Pour ce qui est de l'état de l'armement, à priori on trouve périodiquement le salaire d'armuriers dans les registres des dépenses des places fortes.
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Messagede RANULF » Sam Juil 25, 2009 6:25 pm

Oriabel a dit : Il s'agit d'infos tirées de l'étude d'Audouin sur les armées de Philippe-Auguste ? parce que je viens d'en avoir une version papier que je pensais te faire parvenir...
Pour le latin, je peux demander à quelqu'un...


Oui, oui tout à fait ça vient des pièces justificatives de l'ouvrage d'Audouin. En fait je l'avais trouvé sur le Net mais la version pdf ne fonctionnait pas, alors je n'ai pas résisté et je l'ai imprimé page par page. Désolé... mais un grand merci pour avoir pensé à moi.
Pour le latin on pourra en reparler quand j'aurai mis ça en forme: merci.
Tu vas voir il est d'enfer ce livre :top:
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Messagede Isarn » Dim Juil 26, 2009 5:09 am

Super intéressant Ranulf ! Grand merci !

RANULF a dit :
- paria caligarum integrarum : traduit par chausses de mailles complètes par Audouin (ex : Le Vaudreuil)
- paria curtarum usquead genua : traduit par chausses de mailles partielles jusqu’aux genoux selon Audouin (ex : Le Vaudreuil)

Moi j'y verrais plutôt une distinction entre les chausses de mailles "classiques" fermées et celles qu'on voit portées avec des cuissots gamboisés. Ce qui veut dire que sous les cuissots gamboisés il n'y a plus de maille ...
Mais alors déjà sous Philippe Auguste ... (????)
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Messagede Reinhardt » Dim Juil 26, 2009 9:38 am

Oui, mais pourquoi chausses de mailles avec cuissots gambesés ? Sauf erreur de ma part, rien dans l'appellation latine ne laisse entendre une protection gambesée.
Il y a juste une indication de longueur (jusqu'aux genoux !)

Ensuite la mention de gambesons : c'est super, ça fait avancer le Schmilblik ! Mais le gros hic : ceci s'applique-t-il à des gambesons de chevaliers ou de soldats ? Est-ce une descrïption d'arsenaux uniquement destinés aux combattants de classe inférieure ?
Si oui, ça permettrait au minimum de dire "le gambeson de soldat existe au début du XIIIe...mais on ne sait pas à quoi il ressemble"
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